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—  Non sans façon. Si vous me le permettez, je reviendrai dans l’après-midi, cette
                  fois-ci pour vous. Avez-vous besoin de quelque chose.

                      —  Non merci, vous êtes très gentille. Encore merci de vous être préoccupé de moi.
                  Dites à Constance que je suis le seul responsable de votre retard.

                  Elle prit congé de lui, en l’assurant de son passage en début d’après-midi. Il n’avait pas

                  bougé, il semblait soudé à ce petit fauteuil de cuir. Ankou, sur le palier, retrouva le vieil
                  escalier de bois aux marches gémissantes, les murs d’un vert sombre, constellés de trous

                  laissant apparaître le plâtre blanc, la lumière pâle, l’odeur de la poubelle. Elle monta
                            e
                  jusqu’au 5 , présenta ses excuses à sa patiente pour son retard, et prodigua les soins pour
                  lesquels, à l’origine, elle était venue au 32 avenue du manoir.


                         Une fois dehors, sur le trottoir,  elle  huma avec plaisir l’air frais  de la rue.

                  L’odeur de poussière et de vieux papier qui régnait dans l’appartement était entêtante.
                  Ankou rentra chez elle  en repensant au capharnaüm incroyable  existant chez ce vieil

                  homme,  il y avait  sûrement  plusieurs  dizaines de  milliers de livres divers dans  cet

                  appartement.
                  Comme elle l’avait promis, Ankou était de retour au 32, avenue du manoir en début

                  d’après midi. Une ambulance était garée juste devant le porche. Au moment où  elle
                  s’apprêtait à entrer dans le hall, deux infirmiers portant un brancard débouchèrent de

                  l’escalier. Un corps y était allongé, recouvert d’un drap blanc.
                      —  Qui est-ce, demanda-t-elle aux brancardiers.

                      —  C’est le Monsieur du quatrième, lui répondirent-ils. Vous êtes de la famille ?

                      —  Non, je venais justement lui rendre visite.
                      —  Il est décédé dans la soirée, reprit le brancardier.


                         Ankou resta là, sans réaction. Elle ne connaissait pas Philibert Lecoche, pourtant

                  elle était peinée d’apprendre sa mort. Elle aurait bien aimé connaître davantage ce vieil
                  homme si particulier.

                  Elle fit demi-tour et rentra chez elle. Elle repensait à la photo du mariage de Philibert et

                  Josiane, à ce photographe célèbre. Elle chercha sur son ordinateur "Félix Nadar".
                  C’était un  photographe, effectivement célèbre,  mort en 1910.  S’il avait pris, comme

                  l’avait dit Philibert Lecoche, la photo un an avant sa mort, la photo avait donc été prise

                  en 1909. Or, Philibert Lecoche avait également dit qu’il avait vingt-cinq ans lorsque la
                  photo avait été prise. Vingt-cinq ans, cela le faisait naître en 1884.

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