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— Jeune ? Elle a quatre-vingt-deux ans.
— C’est bien ce que je dis, elle est jeune.
— Mais…
— Je ne me suis pas présenté, dit-il. Je m’appelle Philibert Lecoche. Je suis désolé
pour le dérangement que je vous occasionne, mais je crois bien qu’il faut vous occuper
de moi.
Le vieil homme paraissait fatigué, épuisé. Sa respiration était celle d’un homme venant
de faire un effort violent. Il attendit quelques instants, les yeux fermés. Elle restait là,
immobile regardant tout autour d’elle, l’incroyable spectacle qu’il lui était donné de
contempler.
Après avoir repris ses esprits ainsi que quelques couleurs, le vieil homme lui dit.
— Je vous offre quelque chose à boire Madame ? Remarquez, je dis Madame, car je
ne connais pas votre prénom.
Elle sentit dans cette phrase, une invitation à se présenter.
— Je m’appelle Ankou.
— Ankou, c’est de quelle origine ?
— Bretonne.
Après quelques instants de silence, Philibert Lecoche rompit le silence.
— Je vais sûrement vous surprendre, à moins que vous ne le sachiez déjà, je suis
plus que centenaire. D’ailleurs c’est mon anniversaire aujourd’hui. Vous voulez bien
nous servir quelque chose à boire pour fêter cela ?
Ankou, surprise par cette proposition, posa sa mallette sur un meuble bas en rotin.
— Bien sûr, dites-moi où je peux trouver le nécessaire ?
— Il doit y avoir un fond de Porto dans le réfrigérateur, la cuisine est par-là.
Il accompagna ses paroles d’un geste las de la main, comme on exhale un dernier
soupire. Il indiquait une direction, un sentier serpentant entre deux hautes murailles de
livres dressées, enneigées de poussière, menaçant de s’effondrer.
— Plus que centenaire, me dites-vous. Mais quel âge avez-vous si ce n’est pas
indiscret, lui demanda Ankou.
Il ne répondit pas à la question concernant son âge, il ajouta juste,
— Les verres sont dans le placard de droite. Le placard jaune, ne faites pas attention
au désordre.
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