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Et après un silence respiré dans l’oreille :
                      -   Il pleuvait ce jour-là lorsqu’elle s’est levée. « Ah ! au fait quel jour sommes-

                          nous ? » se dit-elle. « Vendredi 13 ? ! Zut ! » Elle n’aimait pas …
                      De nouveau du noir dans l’écouteur, communication coupée, le réseau sur l’île est

               aléatoire. Elle ne rappelle pas, prépare une page word en Times New Roman 12, interligne 1,5.

                      Huit jours déjà depuis ce coup de fil interrompu, interruptus pense-t-elle en pensant à
               autre chose qui lui met le chaud aux joues, et depuis huit jours son texte couve en cherchant

               l’issue - le titre -, et depuis huit jours elle mêle désir et désir en observant Tangi et
               Mostaganeh – elle a enfin fixé un nom pour l’autre, Tangi, qu’elle prononce Tanguy.

                      -   Où en étais-je ?

                      Mais elle hésite en énumérant tout ce qu’elle s’était promis de faire aujourd’hui : le
               tour de l’île, aller sur le quai à l’arrivée du ferry, réserver un pain chez Soizic, appeler la

               propriétaire pour prolonger la location d’une quinzaine au moins … Elle ne fera rien de tout
               cela si elle plonge maintenant dans l’écriture de sa nouvelle, car au bout de quelques lignes,

               quand ça marche, elle écrit sous autohypnose. Une sorte d’urgence repousse de quart d’heure

               en quart d’heure le moment de manger, d’aller aux toilettes, de rompre le fil si fin si tendu …
               C’est ce qui va se passer aujourd’hui, elle le sent, et pour se donner le change saisit son cahier

               où sur deux colonnes parallèles elle écrit à gauche les choses à faire et à droite les choses à ne
               pas faire.

                      9h tour de l’île, 10h le ferry (ne pas oublier les jumelles pour les dauphins), 10h30
               chez Soizic pour le pain, 10h45 appeler madame Lavanant.

                      Et manque d’ajouter en imitant Alexandre Vialatte dans Les Fruits du Congo :

                      Apprendre l’italien,
                      et encouragée par cette audace :

                      Téléphoner à Marc.
                      L’écran est à la bonne page, elle relit les dernières phrases tout en pensant à Marc qui

               n’appelle jamais le premier, qui se confond un peu avec ce Martin, efface la fin de son texte et
               réécrit en pensant faire du neuf :

                      De nouveau la communication se rompt, c’est mort maintenant, on ne peut pas

               réchauffer une émotion, elle laisse tomber, mais après cinq minutes Martin rappelle :
                      -   Allô Soizic,

                      ou Sophie, ou Anna, ou même Ozanne …






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