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Elle retrouva le grincheux personnage pelotonné dans son fauteuil, ronchonnant
contre sa triste destinée, bougonnant que tout le monde voulait sa mort.
Les rideaux tirés entretenaient une pénombre dans laquelle le désordre semblait plus
encombrant, les murs plus proches, le plafond plus bas. Tout l’édifice se rétractait
comme le bonhomme.
— Que vous arrive-t-il encore ?
— Je me suis coupé la main et on va m’amputer si vous ne me soignez pas
immédiatement ! gémit-il.
Sylvie scruta la petite plaie au doigt noueux.
— Vous ne pouviez pas demander à Juliette de vous mettre un sparadrap ?
— Juliette ? Ah !, maugréa-t-il avec dédain, elle ne sait rien faire de bien ! C’est bien
ça les jeunes maintenant : tous des fainéants ! Rigoler, jouer avec leur téléphone,
c’est tout ce qui les intéresse ! Quant au ménage, faut pas demander !
— Comment voulez-vous qu’elle fasse du ménage avec le désordre que vous
entretenez autour de vous ?
— C’est pas du désordre, c’est mon organisation pour tout garder à portée de main
afin de ne pas risquer de me casser une jambe en allant chercher quelque chose. De
toutes façons, elle est bien comme tous les autres : personne ne m’aime !
— C’est en râlant contre tout le monde que vous pensez vous faire aimer ?
Voyant qu’il n’aurait pas raison avec elle, le vieil irascible se mit à geindre comme un
enfant capricieux :
— Aye aye aye, ça pique !
— Je vais vous faire une petite poupée et tout ira très bien. Dites-moi, vous avez
remarqué que votre immeuble avait perdu quatre étages en quelques semaines ?
— Et alors, on s’en moque, occupez-vous de moi au lieu de jouer les maîtres
d’œuvre du bâtiment !
— Mais quand même, c’est important, où sont passés vos voisins des étages
disparus ?
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