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—  C’est terrible,  commença-t-il immédiatement sans  même saluer son  hôte, j’ai
               oublié de prendre mon médicament contre le rhume des foins pendant deux jours !

               C’est une catastrophe !


               — Mais non, ce n’est pas grave, il suffit de reprendre le traitement.

               — Mais vous ne comprenez donc rien ? J’ai OUBLIÉ ! Ça veut dire que ça y est, j’ai

               l’Alzheimer !

               — Bon, attendez… D’abord, on dit « je crains d’avoir la maladie d’Alzheimer… » …


               — Ah ! Ne cherchez pas la petite bête ! Moi, j’économise mes mots, j’ai peur de ne
               plus en avoir assez avec l’Alzheimer !


               Sylvie le regarda un instant avant de lui faire remarquer :

               —  Il n’y a pas que les mots que vous économisez, il y a aussi l’amabilité et  la

               politesse ! C’est dommage, il s’en faut de peu que je prenne plaisir à venir vous voir.


               Monsieur Armand ne dit plus un mot jusqu’à la fin de la visite. Sylvie rédigea une
               ordonnance pour une cure de Ginkgo afin de doper sa mémoire et sa concentration.


               En redescendant, elle compta les paliers : il n’y en avait que trois avant le rez-de-

               chaussée. Abasourdie par cette découverte, elle sortit sur le trottoir et constata que
               la façade ne comportait plus que quatre niveaux de fenêtres, ce qui rapprochait le toit

               du sol et — bénéfice collatéral à une fâcheuse situation — apportait une plus grande
               luminosité à la rue. Mais où donc étaient passés les étages disparus ? L’immeuble

               était-il construit sur des sables  mouvants ?  Le  second étage était-il devenu le
               deuxième sous-sol ?


               Elle  retourna chez elle dans la plus totale confusion d’idées, d’hypothèses et de

               conjectures.

                                                            *


               Il ne  fallut  pas plus d’une dizaine de jours  avant que Sylvie  ne reçoive un appel
               angoissé de Monsieur Armand. Elle s’achemina sans délai avenue du manoir.


               Au premier coup d’œil, elle constata ce qu’elle redoutait : la façade de l’immeuble ne
               s’élevait plus que jusqu’au premier étage. En une quarantaine de marches, elle fut

               devant la porte de Monsieur Armand. Elle frappa et entra sans attendre la réponse.


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