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- Cet antiquaire ne vous a pas dérobé ce tableau et l’a acquis lui-même de façon régulière, on
               est bien d’accord Georges ?


               - Oui.

               - Donc ce tableau est à lui et si on le lui subtilise, on commet un vol. On est toujours d’accord

               Georges ?


               -  Je serais plus nuancé Emy.  Georges  ferma les  yeux un instant, paraissant chercher la
               meilleure façon d’exposer son point-de-vue. Si on s’en tient à une vision purement légaliste

               de la situation je crois que votre analyse est correcte, abrupte mais correcte. Néanmoins je me
               suis toujours considéré comme le propriétaire de ce tableau, son propriétaire légitime. Je vous

               l’ai dit peut-être trop brièvement, mais ce tableau a accompagné mes premières années, je le

               revois sur le mur du salon de mes parents. Il est en moi comme les parfums de l’enfance. J’ai
               été très déçu lorsqu’ils l’ont donné sans même me consulter à un de leurs amis à qui il plaisait.


               - Vous pouvez l’acheter.

               - Non je ne peux pas. Ce monsieur demande 12000€ pour mon tableau. Un tout petit tableau.

               C’est lui le voleur, pas moi.


               - C’est cher, c’est sûr. Vous n’avez pas du tout la somme ?

               - J’ai peut-être la somme mais ce n’est pas la question. Ce tableau ne vaut pas 12000€ et je ne

               les donnerai donc pas à cet aigrefin. D’ailleurs depuis des mois que cette marine est dans sa
               boutique personne ne la lui a achetée. Est-ce que vous en êtes Emy ?


                 Émérancie Jacq faisait face à Georges. Elle se rendait compte de son émotion, de l’état
               d’exaspération contenue dans lequel il se trouvait aussi. Alors qu’il la connaissait à peine, il

               s’était attendu à ce qu’elle accepte sans sourciller de participer à un cambriolage, dans le

               simple but de pouvoir accrocher dans son salon la marine qui se trouvait dans celui de ses
               parents soixante-quinze  ans plus tôt. Elle n’en revenait pas. Après un  moment où elle but

               encore du vieux pineau ambré vanté par son interlocuteur – délicieux il n’avait pas menti -,
               elle répondit :


               - Votre plan me paraît fragile Georges. Je ne peux pas entrer dans la boutique, espérer que

               l’antiquaire regarde ailleurs et qu’il n’y ait personne d’autre, pour glisser le tableau dans un
               sac et m’en aller comme si de rien n’était. Il faut au moins un autre complice pour faire une

               diversion. Vous connaissez quelqu’un ?


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