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N° 72 Vengeance
Elle avait eu maintes fois l'occasion d'être appelée pour des soins urgents au 32, avenue du
manoir, 5ème étage, porte gauche. Mais ce matin-là, fatiguée par une nuit d'insomnie, elle s'arrêta
au 4ème étage, et frappa porte gauche. A peine s'était-elle aperçue de son erreur, qu'une voix
résonna dans la pièce du fond : « Enfin ! Je vous attendais ».
Interloquée, elle s’immobilisa à l’entrée du long couloir qui s’étendait devant elle après
qu’elle eut ouvert la porte. A l’évidence, elle n’était pas chez M. Geoffroy, le patient qu’elle devait
visiter, elle s’était trompée d’étage. L’habitant du 4 ème serait déçu de son apparition, elle n’était pas
la visiteuse ardemment espérée à en juger par le ton de sa voix. Par politesse, elle devait se montrer,
s’excuser de son erreur et se justifier : les paliers étaient tous semblables dans cet immeuble et
comme elle se sentait à bout de fatigue, elle avait dû appuyer sur le mauvais bouton dans
l’ascenseur.
Elle s’avança dans le couloir et passa la tête dans l’embrasure de la porte de la pièce d’où
s’était échappée la voix ; cette pièce s’avérait être un salon plutôt luxueux. L’homme en la voyant
eut un sursaut.
- Mais…. ! commença t-il.
- Excusez-moi, j’ai fait une erreur. Je suis attendue par M. Geoffroy au 5 ème et je me suis
trompée d’étage. Je suis son infirmière.
- Ah ! Ma secrétaire doit m’apporter un dossier à signer, elle est en retard, je croyais qu’elle
arrivait enfin. Mais ce quiproquo me donne le plaisir de faire votre connaissance.
Elle s’apprêtait à se retirer quand il lui proposa un café. M. Geoffroy l’attendait, ainsi que
tous ses patients à la suite, mais le café était déjà prêt et il exhalait un parfum auquel elle ne sut pas
résister. Sa nuit sans sommeil entamait son énergie coutumière, un petit coup de fouet n’était pas de
refus.
Le maître de maison était courtois et ne semblait plus contrarié par cette intrusion inopinée. Il
avait envie de faire un brin de causette apparemment. Il n’avait jamais rencontré d’infirmière, disait-
il, ne connaissait du métier que ce qu’on en disait communément et voulut en savoir davantage. Le
sujet la passionnait, évidemment.
- Bien sûr, la prise en charge des personnes qui souffrent est exigeante, mais c’est un métier
très gratifiant.
Elle finit sa tasse et se leva rapidement.
- Encore merci pour cet excellent café.
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