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prix. Un peu plus loin, elle fut attirée par l’odeur de gâteaux que la pâtisserie lâchait par ses
               bouches d’aération disposées en façade. Elle faillit succomber. Elle allongea le pas. De toutes
               les luttes quotidiennes, celle contre le cholestérol restait une priorité, pour elle. Elle était fière
               d’avoir repoussé la tentation.
                     Parvenue au 36, elle croisa des têtes familières en entrant dans le débit de boisson. Lors
               d’une conversation, durant un précédent soin, le patron lui avait confié que « le gars Albert »
               était un pilier de bar.
                     - Chaque fois que sa femme s’absente pour quelques jours, lui avait-il dit, elle cache
               toutes les bouteilles d’alcool. En manque, il passe un moment ici à payer des tournées et à
               s’en faire payer tout en se plaignant de sa Marcelle qui le brime.
                     Dès qu’il vit l’infirmière, le cafetier quitta son  comptoir et vint à  sa rencontre.  Il  la
               conduisit à l’arrière de la salle. Elle le soigna, refusa le jus de fruit qu’il désirait lui offrir. Elle
               devait partir. Son fils l’attendait.
                     À peine eut-elle rangé ses instruments qu’elle se leva ; prit son gilet au portemanteau,
               rentra sa poitrine pour se faire mince, attacha les boutons, puis partit, au plus vite, à l’hôpital.

                     En entrant dans le C.H.U., elle se sentit oppressée par ces longs corridors où flottait une
               odeur de moisi, de maladie et de médicaments. Elle avançait sur la pointe des pieds, afin de ne
               pas faire de bruit.  Par moments,  de légers murmures du personnel  troublaient  le  silence
               régnant dans les couloirs.
                     Par les portes ouvertes, elle apercevait dans les chambres tantôt un lit dont les draps
               étaient soulevés par la forme d’un corps ;  tantôt des visiteurs, assis sur  des chaises, qui
               s’entretenaient avec la personne hospitalisée.
                     Elle s’arrêta soudain devant une galerie pleine de malades. Sur la porte battante, elle
               pouvait lire, en grosses lettres : « COVID-19 ». Elle s’approcha d’une infirmière qui préparait
               des médicaments sur un chariot. Elle lui donna le numéro de la chambre attribuée à son fils.
                     - Je vais vous y conduire, dit-elle. C’est par ici.
                     Elle suivit la guide avec un pincement au cœur. Elle craignait de mauvaises nouvelles.
                     - C’est là, lança la soignante en lui ouvrant la porte.
                     Élodie ne voyant qu’un renflement de la couverture, se paniqua. La tête du malade était
               cachée sous le drap. Elle s’empressa de murmurer :
                     - Mon chéri, c’est maman…
                     Un grand mouvement se fit dans le lit. Le visage de son enfant apparut. Elle le trouva si
               changé, si fatigué, si maigre que, saisie par l’émotion, elle susurra :
                     - Mon chéri ! … Mon chéri ! … C’est toi !... Oh ! …
                     Et des larmes coulèrent.
                     La soignante s’approcha d’elle et lui déclara que son petit était tiré d’affaire et qu’il
               sortirait le lendemain. Rassurée, la mère éplorée confia alors à la responsable de l’unité de
               soin qu’elle était infirmière libérale. Elle lui conta comment par erreur elle s’était trouvée
               dans l’appartement d’Albert Joli, un patient hospitalisé en fin de matinée.  Comme elle se
               trouvait sur place, elle désirait connaître la démarche à suivre pour avoir de ses nouvelles.
                     Renseignements pris sur les raisons de l’hospitalisation, Elodie se rendit dans le service
               indiqué.



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