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Tu n’es plus qu’une ombre qui rôde et qui se vautre. Tu as autant de noms que des milliers
               d’apôtres, tes caprices de reine, tes vilaines manières s’accordent puis escortent tes humeurs

               guerrières. Toi qui viens frapper, sans jamais t’annoncer, sur le marteau du cœur qui claque et
               qui danse, toi qui jettes les sorts, et gommes le passé, laisse-moi un dernier répit, et surtout ne

               me préviens jamais à l’avance. Et s’il ne se précise, aucune méprise, je déciderais seul et à

               mon heure de te suivre sans même une valise.


               Dans ce froid de banquise, je marche sans ami vers cette église. J’entre sans couardise, bercé
               d’une lumière exquise. Mon vieux palais est déchiré comme un arbre trop sec, un arbre aux

               branches basses qui rêve de grandeur. Moi qui n’y comprends rien, et lui qui grimpe seul, au
               prix de lâches abandons, au prix de tant d’efforts. Par les bourrasques desséchées, dieux

               vengeurs jetés sur les corps écarlates, frêle château de cartes ou le bûcher brûlant dont l’espoir
               se consume, comme une crémation, simple réponse de cendres et de poussières.


               Jacqueline ma bien aimée, lorsque sur mon corps mes derniers espoirs s’évaporent en signe de

               dernier baiser, je veux t’écrire, te peindre, te chanter. Ardente douceur, chemin de mon
               bonheur, route de mon malheur, princesse sans voix, capable des plus folles mélodies, étoile

               blanche aux multiples reflets, larmes de vie venues des profondeurs d’un sublime et

               imaginaire alambic, beauté sans corps au sexe de liqueur.



               Et toi, mon absinthe bien aimée, unissant la nature comme une grappe sans peau, étoffe

               étincelante qui vacille et qui danse, ondulations de couleuvre au milieu des forêts. Créatrice
               immortelle dont le cœur s’allonge au gré de ses envies, et prend possession de mon corps ivre

               de senteurs, ivre de plaisirs, sage et tumultueux. Maîtresse calme et bondissante sur le fil de

               mes délires, apporte-moi l’espoir d’un délicieux et éternel futur.

               Mais rien, toujours nulle réponse, toujours le silence, comme un éclair fondant vers quelque

               pauvreté. Elle n’est pas venue, tu n’est pas venue. J’aurais tant voulu ma Jacqueline, mais la
               grâce présidentielle n’est pas venue. Je me suis réfugié à l’ombre de ma nuit, sur la

               symphonie d’inavouables saveurs, j’ai posé sur la table de chevet ce dernier verre livide, et

               jusqu’au bout des ténèbres, j’ai oublié mon désespoir.

               Absinthe ma seule amie, je t’aime à la folie. J’aurais voulu t’abandonner pour une autre

               aimée, mais le destin ne l’a pas voulu. Alors ma seule amie, voudras-tu m’accompagner

               jusqu’au bout de cette aube qui sera mon crépuscule ?


               7 – 12 ième  Edition Concours de Nouvelles sous la Plume - 2021
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