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Silence de l’amour divin dont j’attends désespérément l’appel, silence de prière en quête de
vérité, silence de l’espoir d’un très prochain rappel.
J’aimerais tant continuer à voyager avec vous, toi ma Jacqueline espérée, toi mon venin adoré.
Danser dans vos bras, comme une feuille morte, j’aimerais tant flotter dans un univers
bienheureux, nager entre deux eaux délicatement sucrées, comme un chercheur de perles,
tracer avec vous d’éphémères cercles de joie. Il te suffirait d’entrer l’espace d’un instant, le
temps d’un doux moment, dans mes rêves d’un jour, dans mes rêves d’amour, de
m’accompagner et me suivre sur ce nuage blanc. Et peu à peu, le plaisir aidant, te sentir
blottie entre mes doigts, te sentir entrer en moi, ton délicieux parfum dans le creux de moi-
même. Mes yeux gorgés de plaisir s’égareraient une dernière fois dans ton regard apaisé,
légèrement miellé, pour oublier le dehors, juste un instant.
Je vais une dernière fois regarder le plafond de cette chambre de deuil, pour apercevoir un ciel
imaginaire m’effleurer comme un archet de soie, du bout des doigts, du bout des lèvres,
déguster une dernière fois le velours d’Artemisia, laissant courir dans mes veines le doux
frisson des plaisirs extatiques dans l’abysse de mon ventre. J’aurais voulu sentir ton âme,
vibrer au plus profond de moi, flotter au dessus de moi, juste un instant. Nos cœurs et nos
esprits résonnant à l’unisson, pour accueillir avec délice cette tendre folie passagère. Je veux
en sourire malgré moi, vivre intensément ce moment suspendu au milieu de la nuit, pendant
que l’incendie de notre amour impossible flambe, se consume et s’éloigne sans répit, me
laissant nu d’ivresse et d’espérance au bord du précipice, au bord du chemin.
Mais ce matin, c’est moi qui pilote la barque dont tu es la vigie. Bateau ivre sur l’eau noire,
vaisseau des secrets de la nuit. Sur cette plage de ciment blanc, vierge de secrets qu’il faut
chercher ailleurs, j’entends sourdre la douleur des premières vagues. Au-delà du miroir de la
vie, le vent se lève au loin, doux baiser d’adieu qui se rapproche en même temps qu’il
s’éloigne. Au bout de mes doigts, l’eau calme presque endormie se laisse inonder de ta
lumière, ni trop jaune, ni trop verte, presque transparente comme l’innocence. C’est l’aube sur
la route quand mon regard s’embrume et que les lampes s’éteignent. Avec toi, Absinthe
chérie, j’ai connu le temps brûlé vif à l’incendie de la mémoire.
Te souviens-tu ces hauts bûchers, jetés aux quatre vents ou se dispersaient en fumée les
battements de mon cœur blessé ?
J’ai connu le temps déchiré de ces haillons de joie que j’ai revêtus chaque fois que tu m’as
pénétré. Te souviens-tu de cette fenêtre ouverte vers l’abstinence, où me portait mon désarroi
4 – 12 ième Edition Concours de Nouvelles sous la Plume - 2021