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N° 30 Coup de scie à Passy

Elle avait eu maintes fois l'occasion d'être appelée pour des soins urgents au 32, avenue

du manoir, 5ème étage, porte gauche. Mais ce matin-là, fatiguée par une nuit d'insomnie, elle
s'arrêta au 4ème étage, et frappa porte gauche. A peine s'était-elle aperçue de son erreur,

qu'une voix résonna dans la pièce du fond : « Enfin ! Je vous attendais ».

- Mais ! fit Sophie en réalisant que ce n’était pas la voix de Monsieur Letendre pour qui

elle était venue faire une prise de sang.

- On est en retard il ne faut pas traîner, dit un type énorme, carrure de déménageur, tête
de boucher, et des battoirs en guise de mains. Faut débarrasser le corps, je m’en suis occupé, il

est dans le sac en plastique. Ça a pas été simple à empaqueter mais bon, c’est fait. On va le
descendre dans la fourgonnette. Faudra juste faire attention à pas faire trop de bruit rapport

aux gens qui crèchent ici. Elle va prendre un bout et moi l’autre, ça le fera bien comme ça

pour les escaliers.

- Qui ça, elle ?

- Ben vous, fit-il d’un air surpris. Elle prend ce côté-là ?

Sophie aperçut alors une sorte de sac poubelle noir emballant une forme oblongue qui

reposait sur le sol. Elle fut prise de panique soudaine et pensa d’abord fuir mais la brute

l’aurait rattrapée avant qu’elle n’arrive sur le palier. Il fallait à tout prix dominer la terreur qui
la gagnait et ne rien laisser paraître. Avec son travail d’infirmière à domicile, elle en avait vu

de toutes les couleurs : des plaies ouvertes, de vilaines escarres, toutes sortes d’horreurs et
même des gens désagréables. Aussi elle sut garder un sang-froid tout professionnel et elle

saisit l’extrémité du sac en feignant d’être la personne attendue.

- Faut pas oublier le matériel, fit le colosse en désignant un hachoir sale et une
scie ensanglantée qui traînaient dans un coin, faut qui reste rien sinon c’est les

embrouilles assurées. Je tiens pas trop à repasser ici.

Il prit avec lui les outils et jeta un coup d’œil pour vérifier que la pièce était totalement

vide. Ils sortirent le sac, l’homme referma soigneusement la porte à clé derrière lui et ils
s’aventurèrent dans l’escalier désert avec le paquet. En le bringuebalant il tapait là, puis là,

puis là et dégringolait à plat sur le palier inférieur. Sophie, les mâchoires serrées, espérait que

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