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prendre au mot son aîné. Sans prévenir, elle se mit à chanter à gorge déployée devant un parterre de

spectateurs interdits aux yeux écarquillés et aux bouches bées.

C’est à ce moment-là que sa vie commença. Elle était passée de l’ombre à la lumière et aucun retour

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en arrière ne serait plus jamais possible. Elle laissa donc derrière elle ses fidèles choristes et partit

vers sa destinée, sans un regard pour ceux avec qui elle avait cohabité jusqu’alors, sans jamais prendre

part à leur quotidien, qu’elle avait toujours jugé banal et dépourvu d’intérêt. Non qu’elle fut

prétentieuse, mais plutôt qu’elle était à mille lieux des considérations inhérentes à ce dernier et qu’elle

n’y pouvait rien changer. Elle ne portera pas pour autant le poids de leurs attentes la concernant – nul

besoin de cela en effet –, elle le faisait pour elle et pour personne d’autre. Elle embrassa la fatalité et

ne tenta pas de s’y confronter. C’est dans le dévouement qu’elle trouverait son salut et qu’elle

connaîtrait la gloire à laquelle elle était promise.

Même si ses nouveaux camarades lui ressemblaient, elle ne se mélangeait pas et préférait rester en

retrait, toute focalisée qu’elle était à devenir la meilleure. Elle ne prêtait pas attention à la jalousie,

pas plus à l’envie qu’elle suscitait chez ses collègues et encore moins au désir des garçons décuplé

par son indifférence. Elle se réfugiait dans la seule entreprise qui trouvait grâce à ses yeux: être la

plus scintillante de toutes les étoiles.

Ce soir-là, l’heure est venue pour elle de briller. Dans son magnifique costume orné de fil d’or brodé

sur une robe ajustée en charmeuse rouge Carmin sur laquelle la lumière se reflète merveilleusement,

elle se tient prête, bien droite, les yeux clos, elle attend, nerveuse et concentré, le levé de rideau.

Enfin, le silence vertigineux, un souffle, lumière!

La représentation est un franc succès et tous les regards sont sur elle. Elle a réussi. Les éloges à son

encontre fusent de toutes parts, les flashs crépitent, on se bouscule pour l’approcher. Elle joue le jeu

quelques minutes avant de se réfugier dans sa loge. À l’intérieur de cette dernière, se trouvent des

milliers de fleurs aux couleurs vives et aux effluves entêtants. Parmi cette pléthore indécente, elle

décèle une rose rouge, solitaire et dont la perfection la subjugue instantanément. Elle est accompagnée

3 De l’ombre à la lumière