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Averses suspendues, ce vendredi 13, elle commença la route à pieds, au point blanc de
l’horizon. Elle s’était munie d’une musette avec un quignon de pain et un bout de lard
cuit, et surtout elle avait lustré et relustré quatre belles pommes du verger de son père,
qu’elle avait cueillies et cachées : une pour chacun de ses poussins. Elle n’avait pas de
cadeaux à leur offrir, mais ces quatre merveilleuses pommes étaient chacune enveloppée
précieusement dans du papier journal. Elles étaient d’un rouge luisant, ses grosses
pommes. Des… Comment disaient-ils, les acheteurs qui venaient à leur ferme ? « C’est
d’la pomme Bénédictin. » Des Bénédictines, pour le fermier. Elles se conservent sans
flétrir de septembre à février.
La marche alerte, à midi carillonné Louisette avait largement traversé Quimperlé, et elle
avait calculé qu’elle serait « là-bas » à l’heure de leur goûter : ils prenaient bien un bol
de chocolat comme avant au retour de l’école, n’est-ce pas ?
Vers seize heures trente, quatre heures et demie, marmonnait-elle en se référant tous les
kilomètres à la vieille montre gousset du grand-père décédé qu’elle avait subtilisée,
cette mère était aux abords de la cour des bâtiments à l’adresse d’en-tête de la fameuse
lettre routinière pliée précieusement dans sa poche. Sous un tilleul, deux surveillants
conversaient entre eux. Des garçonnets en bande jouaient un jeu de garçons. Des fil-
lettes, elles, c’était à la marelle. Tout ce monde lilliputien criait et s’amusait et paraissait
heureux. Parmi les filles elle remarqua « ma Grande » – elle s’était dissimulée derrière
un bosquet. Son instinct lui soufflait qu’il valait mieux n’alerter personne et notamment
un adulte ! En fouillant âprement des yeux elle reconnut deux autres de ses filles assises
sur un banc et en grande discussion avec des camarades à leur image ;
« – Où est ma puce ? La voilà. » Sa dernière-née revenait probablement des cabinets et
sitôt elle reprit ses gestes de grande conteuse auprès de ses copines : toutes respiraient le
bonheur. La bonne santé. Louisette pleura. Elle était lasse, agrippée au grillage. C’est
elle, qui était enfermée à l’extérieur. Pas ces étrangers. Un trou dans la clôture. On pou-
vait y passer le bras et un banc se dressait à proximité accoté à un arbre. Louisette y
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