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gauche, car il était droitier, dans la cage, par l'ouverture réservée à la
mangeoire, pour ne pas l'effrayer en passant, comme n'importe qui, par la
porte, empoigna le canari, le sortit de la cage, et lui arracha une plume,
avant de le remettre en cage, et de déposer la plume dans un coffre en
prenant soin d'y insérer une feuille de papier quadrillée jaune, comme le
canari, ou plutôt sa plume, et traça sur la partie haute de la feuille, à gauche,
et de sa main droitière, une barre.
Clara quitta le taxi, sans regret car celui-ci n'avait cessé, durant tout le
trajet, de siffloter, ce qui lui fit regretter de ne pas être mélomane, et de ne
pas pouvoir ainsi, au seul son de son sifflement, deviner sa tessiture, ce qui,
rappelons-le, n'a en fait et encore une fois, aucune importance.
Elle s'était décidé à franchir le seuil de la gare en empruntant non pas
l'entrée principale, la centrale, mais l'entrée latérale, afin d'être plus vite
rendue devant le marchand de revues où, après en avoir feuilleté plusieurs,
elle acheta un paquet de berlingots à la sardine, ses préférés.
Ayant réservé par téléphone sa place, elle gagna un temps fou pour
récupérer son billet car une foule de deux voyageurs se pressait au guichet
des billets non réservés. Le guichet des billets réservés, lui, n'était en ligne
de mire que de vingt- cinq, ou vingt sept-passagers. Peut-être étaient-ils
trente. Mais pas plus. Non Pas plus. Cinquante, maxi...
C'est alors qu'elle s'aperçut qu'elle s'était trompée de date, son train ne
partait que le lendemain, ayant confondu l'heure « p .m. », avec
l'heure « a .m. »... cadeau des anglais ! En réalité, elle n'avait que douze
heures d'avance, ce qui aurait bien fait rire son compagnon, qui se moquait
toujours de ses habituels retards. Elle en déduisit que ses retards n'étaient
que le fait de son compagnon, puisqu'elle était en avance. Elle s'installa dans
la salle des pas perdus, récupéra deux journaux et deux revues abandonnées
là par des voyageurs distraits et pour lesquels elle eut la chance de mettre la
main dessus avant celle de la personne chargée de la propreté des lieux,
propreté qui, d'ailleurs, laissait à désirer. Ce n'est qu'à la lecture du dernier
article de la dernière page du deuxième journal, tard dans la nuit, qu'elle prit
conscience que ces deux journaux n'étaient que deux exemplaires du même.
Vers trois heures du matin, à la lecture du dernier article de la dernière
page de la deuxième revue, elle s'aperçut que les deux revues étaient en
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