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Elle essaya de se raisonner.
Peut-être venait-il voir quelqu'un d'autre ? Il avait une autre relation ici, c'était une coïncidence ?
Ou de la famille ? Mais il n'en avait jamais parlé.
Elle avait amené des romans pour le voyage, mais elle n'avait pas le cœur à lire. Ses pensées
fusaient dans tous le sens.
En même temps elle se sentait aussi fautive. Elle aurait pu lui dire un mot. Au moins un mot gentil,
en souvenir d'autrefois.
De nouveau des larmes lui vinrent au bord des paupières. Elle poussa un soupir.
Parfois ce n'est pas si simple, de savoir quoi faire. Surtout s'il faut rompre le cours des choses.
Le petit train avançait doucement, s'arrêtant à toutes les gares : Mereville, Mondeville, Pont-
l'Evêque, Lisieux, Saint-Bernard, Ecorneville...
La campagne était belle, le ciel radieux.
Pourquoi se sentait-elle oppressée, par un si beau jour ?
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En fait, elle se l'avoua tout d'un coup, elle avait l'impression de rater quelque chose.
Peut-être était-ce le destin, le hasard, qui les avaient faits se rencontrer à nouveau. C'était un signe.
Elle aurait dû réagir, prendre son bras, un instant. Elle s'en voulait.
Et lui, pourquoi n'a t-il rien fait ? Rien dit ?
Lui revinrent toutes ses amies, qu'elle avait vues la semaine.
C'est pour cela, d'ailleurs, qu'elle était un peu peinée. Elles, elles voyaient ça du dehors, elles ne
pouvaient sonder son cœur au plus profond.
Et elles lui disaient :
– Laisse tomber ! Tu vas t'user ! Il ne vaut rien. Il n'est pas fiable !
Cela lui faisait mal aussi, c'était trop catégorique, injuste. Il fallait du temps, peut-être, pour
s'habituer l'un à l'autre, s'apprivoiser.
Non. Elles s'étaient un peu fâchées. Elle en gardait un mauvais souvenir.
Caen déjà... la gare... le train ralentit. La sirène poussa un grand cri, déchirant. Pour dégager la voie,
sûrement, mais il résonna bizarrement dans son cœur, en même temps.
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