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Logiquement ces portes s'ouvraient sur une cuisine pièce à vivre, une chambre et la salle de
            bains conformément au plan de l'appartement du dessus. Isabelle abandonna à même le sol
            son vêtement et se décida à rentrer sa sacoche dans l'appartement dont  elle ferma la porte
            d'entrée derrière elle .
               Voilà, il fallait maintenant qu'elle se décide à aller plus loin après ce premier pas à
            l'intérieur ; avait-elle peur ? Non. De taille moyenne, blonde plutôt menue mais très sportive
            et bien proportionnée, elle se savait prête à affronter celui ou celle qui vivait ici car la voix,
            bien qu'un peu monocorde ne l'inquiétait pas, elle semblait amicale. Infirmière à domicile
            depuis   une   quinzaine   d'années,   elle   était   rompue   aux   rencontres   avec   ses   nombreux
            patients, tous très différents.
               Cependant quelque chose l'interpellait depuis plusieurs minutes en dehors de l'odeur du
            terreau humide et chaud des plantes exotiques nombreuses dans cet endroit clos. Son odorat
            habitué   aux   odeurs   humaines   et   à   celles   des   produits   pharmaceutiques   se   refusait   à
            l'informer...Elle cherchait, perplexe en respirant profondément les bras croisés sur son
            chemisier à petits damiers rouges et blancs qu'elle affectionnait particulièrement car il était
            chaud et doux. Soudain, un éclair dans son esprit la transporta bien des années en arrière
            dans un lieu qui s'était un peu effacé de sa mémoire et qu'elle croyait avoir oublié : « Mais
            bien sûr, pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt, chez grand-mère aussi cette odeur envahissait
            la maison par moment ! Dans la véranda me semble t-il ! Mais d'où venait cette étrange
            odeur ?» La question resta en suspend. Bof ! Elle y penserait plus tard, elle était pressée.
            Toute réflexion faite, le mieux était sans doute d'ouvrir les portes en face d'elle, l'une après
            l'autre pour savoir à qui appartenait cette voix qui répétait encore : « Enfin! Je vous
            attendais ».
              Derrière la première porte Isabelle découvrit, comme elle l'imaginait, la cuisine pièce de
            vie presque identique à celle de l'étage supérieur avec ses meubles en formica rouge et gris
            des années 60 côté cuisine et son vieux canapé recouvert de velours rouge, vert et or aux
            tons passés côté salon. Des voilages écrus aux fenêtres permettaient au logement de garder
            son intimité bien qu'au 4ème étage sans vis-à-vis il n'y avait pas grand chose à craindre.
            Isabelle aperçut sa voiture sur le parking, incroyablement petite vue de là-haut. Cela la fit
            sourire tout en la ramenant à la réalité et elle se dit : « Il faut que je me dépêche, on m'attend
            à l'étage du dessus, j'ai déjà trop traîné. Juste deux minutes pour rassurer la personne dans la
            pièce à côté »
            Ce que fit Isabelle en ouvrant en grand la porte de la chambre après avoir frappé  tout en
            disant : «  me voilà ! ».
            Les mots restèrent coincés  dans sa gorge à la vue du spectacle qui s'offrit à elle : posé sur
            son perchoir composé d'une barre de rideaux en bois qui reposait entre le dossier d'une
            chaise et le rebord de la fenêtre, il la regardait de ses gros yeux ronds qui bougeaient à toute
            vitesse en dodelinant de la tête ; il la gratifia alors de sa voix presque humaine d'un
            supplémentaire : « Enfin ! Je vous attendais ». L'oiseau au plumage coloré, tête jaune, queue
            bleue et corps vert était absolument magnifique et aussi stupéfié que sa visiteuse qui se
            tenait immobile dans l'encadrement de la porte. Son regard embrassa la pièce et elle constata
            qu'une ficelle d'au moins 3 mètres de long était attachée à la patte droite du perroquet et le
            reliait à l'un des barreaux de la chaise, des feuilles de journaux protégeaient le parquet des
            déjections de l'animal.
               C'est le moment précis que choisit monsieur de Savincourt pour rentrer à son domicile
            après avoir effectué ses courses et oublié de fermer la porte à clé en partant ce dont il venait
            de s'apercevoir . Il vit immédiatement Isabelle qu'il connaissait de vue car elle venait
            souvent dans la résidence et il lui posa gentiment la main sur une épaule ; elle tressaillit et
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