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La journée touchait à sa fin. Elle y avait subi son lot d’ennuis : dès la salle de bains,
son crayon à maquillage s’était brisé en deux, le boucher n’avait pas de paupiette, il ne restait
plus de tradition chez le boulanger et elle avait dû se contenter d’une baguette ordinaire à la
mie trop blanche, elle avait raté le jeu des mille euros et sa mayonnaise, les piles de la
télécommande étaient déchargées et il n’en restait plus en réserve… Sans parler de la queue à
la poste ! Somme toute, un vendredi 13 habituel, long, barbant mais sans éclat. Elle ne pouvait
que constater que les 13 novembres n’avaient plus la même amertume qu’avant et ne
différaient pas spécialement des autres. Le dernier, celui de 2009 –six ans déjà ! l’avait
clouée au lit avec la grippe, d’accord, mais elle y avait trouvé le temps de renouer avec son
frère après une fâcherie de sept ans. Somme toute, elle avait connu pire. Il y avait un certain
affadissement du mauvais sort, comme une banalisation de la guigne qui lui faisait presque
regretter les bons vieux vendredi 13 tels qu’en eux-mêmes, pas avares de pannes sous la pluie
et de mauvais coups de voisinage. On avait même dans l’après-midi retrouvé la dent de Noé,
bien en évidence dans la gueule de sa souris grise en peluche ! Une blague de son grand frère
qui, ce soir, comme il avait dit avant de partir à la gare, allait se mettre de la musique plein le
cerveau.
Elle n’avait plus qu’à laisser s’écouler la fin de la journée. Ce soir, il y avait un match
à la télé. Jean-Paul avait prédit qu’on allait battre les Allemands. Pour elle ce serait donc au lit
avec un bon livre. Elle hésitait encore entre « Vernon Subutex » et « Le Charme discret de
l’intestin ».
Allez, finalement, ce vendredi 13 novembre ne l’avait pas accablée de trop
d’adversité. Il ne restait plus de raison de se tracasser. Il y avait bien le concert à Paris des
deux grands avec Maxime et leur retour tardif en RER, mais les accidents de train,
aujourd’hui, c’est extrêmement rare.
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