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mystérieux fonds abyssaux et ne se lassait pas de photographier les poissons
multicolores de toute beauté et diversité et, surtout, les splendides coraux auxquels il
fallait accorder une attention particulière sinon ils seraient voués à la disparition à
cause entre autres du réchauffement climatique. Elle s’était également constitué une
belle panoplie de vidéos et Marco l’enviait bien souvent. Elle s’était intégrée
facilement à son équipe d’autant qu’elle maîtrisait parfaitement l’anglais et elle
appréciait les habitants, leur culture et leur gastronomie qui lui rappelait la cuisine
portugaise de par l’abondance des plats à base de poissons. Elle profitait aussi, bien
entendu, de son temps libre pour jouer à la touriste et visiter un maximum d’endroits
renseignés par les meilleurs guides de voyages comme des incontournables et elle
passa d’enchantement en enchantement. Et dire qu’elle avait tout de même hésité un
peu avant d’accepter cette offre de travail… Elle s’était ainsi transplantée par voie
aérienne ou maritime aux îles Cook et Samoa puis en Polynésie française.
Au troisième quadrimestre de la seconde année, elle atterrit à Tarawa-Sud, la
capitale des îles Kiribati, un des plus petits pays au monde constitué de trois archipels
et trente-deux atolls splendides.
Elle apprit lors d’une conférence retraçant leur histoire que ces terres se
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situaient à cheval sur l’équateur et le 180 méridien, à la fois en Polynésie et en
Micronésie. Cela l’amusa beaucoup. C’était comme certaines maisons carrément
traversées en deux par une frontière territoriale tracée absurdement par les mains des
hommes refusant quelques signes d’assouplissement pour modifier légèrement le
tracé. Elle s’était un jour rendue dans un café situé du côté grand-ducal, à Martelange,
celui où les stations-services se succèdent le long de la route comme les grains d’un
chapelet et permettent aux automobilistes de faire le plein en gagnant de l’argent grâce
au système de taxation différent ailleurs. Marco et elle rejoignaient alors les Pays-Bas
dans le cadre d’échanges universitaires du Réseau Utrecht et ils avaient pris une bière
dans ce curieux établissement dont le sol était revêtu d’une ligne de peinture blanche
pour marquer la délimitation. Elle devait avoir conservé ce cliché dans ses archives.
Marrant d’avoir sa cuisine au royaume belge et sa chambre à coucher au Luxembourg,
non?
Lui furent révélées lors de cette soirée des informations qui allaient à jamais
bouleverser son existence et la transformer pour son plus grand bonheur et la délivrer
d’un fardeau que ses épaules enduraient depuis l’enfance. Jusqu’en 1995, les îles
proches de la ligne des changements de date fonctionnaient sur plusieurs fuseaux
horaires. Cela représentait un véritable casse-tête pour les habitants. Ils devaient
avancer leur montre d’une journée même si leur voyage en avion ou en bateau durait
seulement deux heures! Cette année-là, les Kiribatiens optèrent pour un fuseau horaire
unique en le déplaçant quelque peu. Ces républicains furent donc les premiers à passer
les caps de l’an 2000 et des nouveaux siècle et millénaire et pas les ultimes, selon la
logique précédente.
Comment n’y avait-elle pas pensé plus tôt ? C’était en fait l’histoire de Phileas
Fogg dans Le tour du monde en quatre-vingt jours du renommé Jules Verne. Elle avait
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