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Quand le père de Nadir rentra chez lui, Aladin était encore là, il insulta sa femme et
avança vers elle en voulant la frapper, puis détourna son regard vers Alain :
« je vais te ramener chez toi, il doit bien y avoir quelqu’un qui t’attend là-bas »
C’était aussi la pleine lune quand ils arrivèrent à la villa, minuit. Sur le chemin du retour, le père de
Nadir a voulu prendre un raccourci en quittant laroute, sans doute avec le garçon a bord, il se sentait
gêné. Maintenant, il maniait le guidon à l’aise et se faufilait au milieu de ces arbres.
Erreur monumentale, il n’a pas su prendre les hurlements des loups comme avertissement. Un grand
loup courait derrière lui. C’était Kibir, puis deux autres venaient à la rescousse, un autre sortant des
bois, venait directement couper la trajectoire du pauvre motard, toute une meute de loups qui était à
l’affût. Le lendemain, on découvrit la énième victime dans les mêmes parages autour de la
maison hantée. Après ce décès et vu les conditions déplorables de la veuve, cette ex-gouvernante a
décidé de reprendre le boulot dans la villa des Français. Alain fut ravi, elle avait de l’affection pour
ce gosse, elle déménagea donc au grand bonheur de son fils Nadir, futur compagnon du maître de la
banlieue.
***
Ce fut une époque où nous formions un trio inséparable, les trois mousquetaires, c’est comme ça
qu’on nous appelait. Je me souviens très bien du nom de notre prof d’anglais au collège Albert
Camus, on était tous les trois dans la mêmeclasse en quatrième (moi, Nadir et Alain). Elle
s’appelait madame Baccirini. En entrant à huit heures du mat, elle prit la brosse et alla effacer le
tableau comme d’habitude. La veille, c’était une leçon de grammaire
_ Quand deux verbes se suivent, le deuxième se met à l’infinitif _
Juste en dessous, il y avait une autre écriture
_ Quand deux fesses se suivent, la deuxième se met à l’exécutif _
C’est fou ce qu’on rigolait quand on était gosses, le roi de la farce était le fils de la
sorcière. Madame Baccirini, après avoir effacé son tableau, fit quelques pas vers la table
d’Aladin (Alain) : « C’est toi qui as écrit ça, n’est-ce pas ? » Il était fort en français
bien queses parents fussent décédés dès sa naissance, et en anglais aussi. Tante Gertrude
ne lui avait pas enseigné que des abracadabras
« Je reconnais ton écriture»
« Non, ce n’est pas moi »
« Connais-tu des membres de ta famille à Bordeaux ? Évelyne, Évelyne Quaswar ? »
« Peut-être bien »
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