Atelier Lecture Janvier 2025
TERRASSES
de Laurent Gaudé – Prix Goncourt 2004

Dans ce court « roman », Laurent Gaudé, entremêlant les voix, réussit la prouesse de donner la parole à tous ceux et celles qui ont été touchés par ces attentats, des amoureux buvant leur dernier verre en terrasse aux membres du GIGN qui se fraient un chemin parmi les victimes du Bataclan, en passant ces familles qui tentent désespérément de joindre leurs proches, sans oublier les secours etc….
Un récit qui est une sorte d'hommage fait aux victimes tuées et aux victimes détruites psychologiquement. Un revirement de situation, du bonheur à l'impensable. Un texte émouvant, bouleversant.
En même temps ou presque la sortie de ce livre, nous apprenions le décès de Fred Dewilde, dessinateur et victime du Bataclan. Il n'a jamais pu se remettre de ce cauchemar, jamais pu panser ses maux, il a préféré partir.
ROSE VALLAND, L’ESPIONNE A L’ŒUVRE
de Jennifer Lesieur

Rose est conservatrice au musée du Jeu de Paume au moment où les allemands rentrent dans Paris et ne tarde pas à recevoir la visite de Goering puisque le musée du Jeu de Paume a été transformé « en plaque tournante » des objets d'arts, tableaux, statues, livres, mobiliers volés dans les différents musées et chez les particuliers, surtout juifs où les collections ont été largement pillées.
Rose Valland, sur délégation de Jacques Jaujard, directeur du Louvre, s'est employée avec beaucoup d’efficacité à repérer, noter, inventorier tous les objets d'art que les allemands avaient sélectionnés pour se les approprier et les faire expédier en Allemagne.
Rose dotée d'une importante mémoire visuelle notait tout, de retour chez elle : description de l'objet, son origine, l'identité des propriétaires, le lieu de destination...en informant régulièrement Jacques Jaujard.
L'autrice met aussi l'accent sur l’importante mission de récupération en Allemagne que Rose Valland a pu mener dès 1944 et après la libération et ce jusqu’aux années 50/55. Grâce à sa détermination de nombreuses oeuvres ont pu être rapatriées. Le sauvetage est colossal.
J'ajoute que ces deux passionnés d'art Rose Valland et Jacques Jaujard n'ont pas été assez reconnus et sont restés dans l'oubli trop longtemps.
Fin 1966, Jacques Jaujard est démis de ses fonctions par André Malraux, il décédera en juin 1967.
LA RELIEUSE D’OXFORD
de Pip Williams

Peggy est ambitieuse et aurait aimé faire des études, lire tous ces livres et intégrer l’université des femmes. (Elle a arrêté l’école à 12 ans.) Mais elle doit travailler : le décès de sa mère l’a enfermée dans cette vie où elle doit subvenir à ses besoins et à ceux de sa sœur qui est en situation de handicap et n’est pas autonome.
La première guerre mondiale éclate : les hommes se mobilisent pour rejoindre le front et les femmes doivent assurer de nouveaux rôles réservés aux hommes. On leur demande de faire du bénévolat auprès des blessés de guerre et lors de l’épidémie de grippe espagnole.
C’est alors que Peggy va faire des rencontres qui vont bouleverser sa vie.
C’est un roman fort et émouvant dans lequel on retrouve les thèmes chers à l’auteure : les classes sociales, la place des femmes dans la société, le droit de vote des femmes, la sororité, mais aussi le handicap et les traumatismes causés par la guerre.
Ce roman est à la fois une ode aux femmes de l’ombre qui veulent avancer et un hommage aux livres.
Quelques clins d’œil à son premier roman : « La Collectionneuse des Livres Oubliés ».
LA CUISINIERE DES KENNEDY
de Valérie Paturaud

On est en 1999 et cette biographie s'ouvre sur un enterrement... Celui du personnage principal, Andrée Imbert, dans un petit village du Vaucluse et on comprend très vite que la dame n'a pas eu une vie banale, grâce à une couronne de fleurs, accompagnée d'un petit mot de la famille Kennedy.
Comment se déroula la vie d’Andrée ? A la guerre, elle sera empêchée de poursuivre son activité de restauratrice mais qu’à cela ne tienne, elle part travailler pour la famille Berliet, puis la famille Lumière, la famille Gallimard mais encore pour Albert Camus, quand il se soignait dans le sud, où elle rencontrera Hélène et Fred Rogers qui est journaliste et qui vont la décider à les suivre aux Etats-Unis, alors qu’elle ne connaît pas un mot d’anglais. La famille Rogers est très proche des Kennedy ; ainsi Andrée rencontre Rose Kennedy mais très vite, elle sera la cuisinière de Joan et Ted Kennedy. Toute la famille appréciera la cuisinière française et sa cuisine. Elle traversera toutes les tragédies de cette famille. Et surtout, elle sera une seconde maman pour les enfants Teddy et Kara, qui viendront la rencontrer, à deux reprises, lorsqu’elle sera en retraite en France.
L’autrice aborde le livre par le biais de courriers qu’elle envoie à sa fille restée en France puis à son petit-fils ; recherches et rencontres avec la famille d’Andrée Imbert lui ont permis d’écrire l’histoire incroyable de cette femme passionnée et généreuse et tellement naturelle.
« Tu n'auras de chance que celle que tu iras chercher », écrit-elle à l'un de ses petits-fils. Car c'est bien l'adage qu'elle s'est appliqué à elle-même pour acquérir cette « notoriété discrète » peut-on dire pour associer deux mots qui disent le contraire. Vous y trouverez aussi des recettes d’Andrée.
LE SILENCE DE LA MER
Vercors – de son vrai nom : Jean Bruller

Cet officier se comporte comme un véritable gentleman, se présentant chez l'habitant en fin de journée pour y passer la nuit. Avant de se retirer dans sa chambre, il confie ses réflexions sur la situation qu'il subit : à savoir occuper un pays qu'il aime profondément et dont il admire les écrivains et les artistes. Il ne cache pas son espoir de voir France et Allemagne un jour réconciliées dans l'intérêt de leurs populations.
Peu à peu, on perçoit que l'officier perd l'espoir d'une issue favorable à cette guerre, surtout après une permission qui lui permet de rencontrer son frère à Paris. Celui-ci, complètement conditionné par la propagande nazie, essaye de lui transmettre ses convictions belliqueuses très négatives.
Pendant son séjour, les deux français se contentent de l'écouter ; il n'y a aucun dialogue entre eux : c'est en fait leur façon de résister à l'occupant. C'est ce qui frappe dans cette nouvelle : le seul mot prononcé à destination de l'allemand est « Adieu » lorsque l'officier s'en va vers un avenir sombre, sur le front de l'Est.
Les sept autres nouvelles de ce recueil sont toutes inspirées par le thème de l'engagement et dénoncent la lâcheté et les compromissions de certains français pendant l'occupation.
Enfin, le dossier historique et biographique qui complète cette édition récente « augmentée » de l'oeuvre est très éclairant sur la réalité de l'époque.